De l'Inde à Grenoble, il n'y a qu'un pas...
Peux-tu te présenter ?
Salut ! Je m'appelle Ria Thapliyal, j'ai 26 ans et je suis actuellement en dernière année de Master en Design Industriel à l'Indian Institute of Technology, à Delhi. Mon parcours se situe à l'intersection du design produit, de la durabilité et de l'accessibilité. J’ai une vraie passion pour le prototypage manuel… j'adore manipuler les matériaux et transformer les idées en expériences tangibles. Je viens d'Inde, un pays foisonnant de diversités culturelles, d'histoires et de contrastes. J’ai grandi dans une famille qui valorise la créativité et l’humour. En quelque sorte, cette curiosité constante et cet environnement expressif m'ont amenée au design.
Pourquoi voulais-tu faire ton stage ici, en France et à la Design Factory ?
La France occupe une place spéciale dans mon histoire depuis l'enfance. Mon premier (et seul !) voyage à l'étranger quand j'étais petite était en France, à l'âge de 9 ans—j'y ai même fêté mon anniversaire ! Les souvenirs sont flous, mais ils ont laissé une forte impression. Ce voyage m’a poussée à apprendre le français pendant six ans, et avec le temps, ce lien avec la France s’est renforcé—peut-être aussi parce que mon père ramenait toujours quelque chose de « français » de ses voyages, qui me fascinait.
Alors, quand cette opportunité s’est présentée, j’ai eu l’impression d’un retour aux sources. Je voulais sortir de ma zone de confort, m’ouvrir à de nouveaux contextes, me challenger. À 26 ans, je crois que c’est le moment parfait pour me laisser étirer par la vie, tant que mon esprit et mes perspectives sont encore en expansion. La Design Factory s’est imposée comme un lieu où l'expérimentation et le questionnement sont encouragés—le terrain idéal pour grandir.
Qu’as-tu fait pendant ton stage ?
Un peu de tout—et c’est ce que j’ai préféré ! J’ai été impliquée aussi bien dans les étapes chaotiques que magiques du design. J’ai travaillé sur deux projets clés :
- J’ai collaboré avec Caroline pour faciliter le Projet Butterfly de la SGPI (Gouvernement français), une exploration de futurs désirables par le design spéculatif.
- J’ai aussi co-conçu avec Valérie Chanal et Quentin Scandela des outils physiques pour diagnostiquer des problématiques systémiques, destinés à soutenir les recherches en cours à la Pelote.
Ces projets m'ont permis d'agir sur les plans conceptuel, stratégique et tangible du design—chaque jour était un terrain d'apprentissage vivant.
Qu’est-ce qui t’a marquée ou le plus intéressée ?
Honnêtement, cette expérience a été l'une des plus transformatrices de ma vie. J’ai eu l’impression que mon esprit s’ouvrait comme un parapluie—exposé à de nouvelles façons de penser, de parler, de voir. Et Grenoble... coup de foudre total. Les montagnes sont comme des compagnes silencieuses—on les voit de partout. J’ai passé mon temps libre en randonnées ou en balades sans fin, juste pour profiter du paysage. Cette ville m’a à la fois ancrée et dynamisée.
Au-delà de la beauté du lieu, j’ai été frappée par la liberté des discussions—la manière dont le design, la philosophie, la politique et l’art s’entrecroisent. Il y a un rythme de vie ici qui valorise la réflexion, et j’ai vraiment connecté avec ça.
Qu’as-tu retenu de ton stage ? Qu’as-tu appris ?
Sur le plan académique, j’ai beaucoup appris sur les méthodologies de recherche et la façon de donner une direction à un projet. Mais au-delà de ça, l’apprentissage le plus fort a été humain. Voir des idées brutes, spontanées, émerger dans un contexte multiculturel, et pouvoir y contribuer, a donné naissance à des résultats riches et nuancés.
Cela m’a aussi permis de regarder ma propre culture du design avec plus de recul. Je me surprenais souvent à comparer les pratiques de design en Inde et en France—non pour juger, mais pour comprendre. Ce regard comparatif m’a donné une conscience plus fine des racines sociales et culturelles du design.
j’ai été touchée par la franchise et l’authenticité des échanges
Que veux-tu faire ensuite ?
La fin de mon master approche, et je suis en quête de nouvelles aventures—que ce soit par le travail, la recherche ou des collaborations. J’ai candidaté à plusieurs écoles d'été pour approfondir mes compétences en design accessible (je serai bientôt à Vienne pour l’une d’elles !). Ce stage a mis la barre très haut—il sera difficile de retrouver un tel niveau d'inspiration. Mais justement, c’est ce défi qui m’enthousiasme. Je veux continuer à travailler sur des projets qui lient durabilité, accessibilité et innovation.
Qu’est-ce qui t’a le plus surprise dans la façon de travailler en France ? Et dans notre mode de vie ?
Beaucoup de choses ! J’ai remarqué à quel point les systèmes sont pensés dans le détail—du transport public à l'accompagnement des étudiants. Mais ce qui m’a le plus émerveillée, c’est la manière dont le design est naturellement intégré partout—pas juste dans l’esthétique, mais dans la façon d’aborder et de résoudre les problèmes.
Côté culture, j’ai été touchée par la franchise et l’authenticité des échanges. Il y a beaucoup d’espace pour le désaccord, le débat, la réflexion—que ce soit autour de l’art, de la politique ou du quotidien. Chez moi, j’ai dû créer ces communautés moi-même. Ici, elles m’attendaient. Le respect du temps personnel, l’importance du loisir, et cette façon de vivre plutôt que de simplement travailler... c’est un état d’esprit que je veux emporter avec moi.
As-tu une anecdote à partager ?
Oh, mon séjour ici a été rempli de "petites comédies d’erreurs" ! Je ne compte plus les trams, bus ou trains que j’ai pris dans le mauvais sens—mais étonnamment, ça ne m’a jamais fâchée. Chaque "erreur" est devenue une exploration de plus : une nouvelle route, un nouveau quartier, une vue inattendue. Je crois que c’est la sérénité de la ville, la présence rassurante des montagnes, qui m’a fait me sentir en sécurité même en étant perdue.
Et bien sûr, le plus grand gag reste que j’ai appris plus de français en 4 mois ici que pendant six années de cours en Inde !
Mot de la fin
Dès le premier jour, je me suis sentie accueillie—non pas juste comme stagiaire, mais comme contributrice. Toute l'équipe de la Design Factory et de la MACI m’a fait me sentir écoutée et reconnue. On m’a encouragée à partager mes idées, et mon contexte culturel a été reçu avec curiosité et respect. Ce genre de bienveillance est rare, et je l’emmène avec moi, partout où j’irai ensuite.